Interview de Ludovic Schurr, auteur de « Ultime Vengeance 3D », le jeu de rôle du cinéma d’action.
Mon adolescence a été très largement ponctuée par la projection des toiles estampillées Joel Silver, dont les productions ont revalorisé les films d’action, au point d’en transcender le genre – comme Hong Kong l’avait fait avant, mais différemment-. Silver est notamment reconnu pour être le spécialiste du « Buddy Movie », sous-genre du film d’action, où deux profils de flics apparemment incompatibles se complètent finalement pour mener à bien une enquête au climax généralement particulièrement violent. Parmi tous ces films, l’un m’a marqué plus que les autres : « l’Arme Fatale ». Je me souviens d’être ressorti de la salle de cinéma tout ébouriffé. C’était en 1986. J’avais quatorze ans, et je n’avais jamais vu un personnage aussi cool que Martin Riggs, le flic imprévisible et suicidaire interprété par Mel Gibson.
Pour lier ma cinéphilie boulimique à ma passion pour le jeu de rôle, j’avais adapté Trauma –le jeu de rôle publié dans la revue Chroniques d’Outre-Monde- à cet univers empli de fusillades, de poursuites surréalistes, de Berettas 92F, de vétérans du Vietnam aux blessures secrètes, de terroristes prenant d’assaut Nakatomi Plaza, et de respect de la loi jusqu’à en mourir. A l’époque, revisiter un bon vieil épisode de « Rick Hunter » suffisait à pondre un one shot décent. Il fallait juste y rajouter au minimum une poursuite dans les rues de Los Angeles, et une fusillade cataclysmique et finale.
Depuis, je me suis toujours demandé pourquoi personne ne s’était emparé, dans un sens plus large, du cinéma d’action, pour en faire un jeu de rôle polymorphe, fun, et jouissif. Et puis j’ai découvert Ultime Vengeance 3D. Et ça remonte à peu. J’avais certes lu quelques articles très positifs sur la toile, ainsi que des commentaires dithyrambiques sur les réseaux sociaux… Mais c’était tout. Et puis, lors du Salon Fantastique à Vincennes –où nous exposions-, la semaine dernière, je suis tombé sur le kit d’initiation, disponible gratuitement. J’en ai pris un. Bertrand en a pris un. Et quand nous avions un moment de libre derrière notre stand, nous le potassions avidement. Les principes du jeu nous ont paru tellement fun, que nous nous sommes dit qu’il fallait absolument en parler. Dès le retour de Vincennes, nous avons contacté l’auteur, Ludovic Schurr, pour l’interviewer, afin de mieux vous faire connaitre son jeu. C’est cette interview que nous vous proposons aujourd’hui, ci-dessous.

Bonjour Ludovic, peux-tu te présenter ? Qui es-tu ? Quel est ton parcours pro ?
Bonjour Atmospherik.eu ! Je suis donc Ludovic alias Xyrop, un peu blogueur sur xyrop.com, et beaucoup auteur d’Ultime Vengeance 3D. Professionnellement, après pas mal d’années d’études à la fac de droit, et après un épisode de quelques années comme avocat en droit de l’informatique, je suis devenu juriste d’entreprise dans la french tech. Mais tout ça, c’est alimentaire, et pour financer ce qui compte vraiment, à savoir le jeu de rôle.
Quel est ton parcours rôliste ? Comment as-tu découvert le jeu de rôle, et depuis quand joues-tu ?
Tout a commencé en 1984 avec l’Œil Noir -boîte Schmidt France- que mes parents m’ont offert pour Noël. Ils l’ont bien regretté par la suite, parce que, même si (très) peu de mes copains y jouaient, je suis tout de suite devenu mordu du JdR. Plus qu’une passion, c’est devenu une obsession qui ne m’a jamais quitté depuis.
Le jeu de rôle m’a permis de remédier à ma timidité, à mon inadaptation sociale, et m’a ouvert à énormément de domaines auxquels je ne me serais sinon jamais intéressé. Le revers de la médaille, vu qu’à la fac j’y jouais un peu trop, c’est que j’ai redoublé à deux reprises ! A ma décharge, j’avais participé à la réouverture du club de jeu de rôle avec mon ami Hervé Bourgade. Il est l’auteur du jeu de fantasy celtique « Ynn Pryddein ».
J’ai fait beaucoup de démos en convention. J’ai été auteur sur un supplément pour Loup Solitaire. J’ai aussi été cheville ouvrière de la trésorerie du GRoG pendant quelques années. Maintenant, je blogue occasionnellement sur le JdR et le droit appliqué au JdR. J’écris des JdR amateurs, et fais des ateliers-conférences pour aider les jeunes MJ à débuter chaque fois que je le peux. Je passe le reste de mon temps à essayer de faire connaître Ultime Vengeance 3D et mes autres productions amateur.

Peux-tu nous présenter UV3D, son univers, ses particularités ?
Ultime Vengeance 3D – director’s cut -mais tu as raison, on va dire UV3D sinon on ne s’en sortira jamais- prétend être le jeu de rôle de tous les cinémas d’action : si ça ressemble même vaguement à un film d’action, alors c’est fait pour être joué avec UV3D.
L’univers d’UV3D est celui du cinéma d’action. Ça paraît vague, parce qu’au final, il n’existe pas d’univers partagé pour tous les films d’action en général. Plusieurs “cinematic universes” d’action existent : par exemple les films Marvel, DC, Fast & Furious et spin-offs, les G.I. Joe qui partagent l’univers de Transformers -et bientôt de l’adaptation de M.A.S.K. si j’ai bien compris-, etc. Mais ce sont des “univers-bulles”, en théorie totalement indépendants les uns des autres.
C’est cette notion d’univers-bulle que se propose de casser UV3D. Je m’explique : tous les films d’action que vous avez vus, toutes les parties de JdR auxquelles vous avez joué ont DEUX points communs. Le premier point commun, c’est d’avoir une intrigue, une histoire. Le second point commun, c’est VOUS.
Vous avez participé en tant que spectateur à l’histoire de chacun des films que vous avez vu. Vous avez participé en tant que narrateur (via votre personnage ou en tant que MJ) et spectateur à l’histoire de chaque partie de jeu de rôle à laquelle vous avez joué.
UV3D vous propose de relier ces deux mondes, en faisant de vous une actrice ou un acteur. Il ne s’agit pas de jouer un rôle dans un jeu de rôle inspiré par le cinéma d’action, mais de vous jouer vous-même, si votre chemin de vie avait pris une autre direction, si vous aviez finalement décroché le téléphone quand Michael Mann vous a proposé de jouer dans Miami Vice. En pratique, vous faites “comme si” votre vie avait toujours été celle d’une actrice ou d’un acteur de blockbuster.
Ainsi, de films en films, de rôles en rôles, d’univers en univers, vous restez vous-même et vous augmentez vos capacités – pas la force ou la dextérité, mais votre influence sur l’histoire en tant qu’acteur – pour en mettre plein la vue aux spectateurs. Et les règles sont là pour récompenser l’inventivité, l’improvisation, voire la prise de contrôle de l’intrigue par les acteurs-joueurs.
Sur un film donné, certains vont écoper de rôles plus physiques à la John Wick, d’autres de rôles plus cérébraux façon McGyver. Mais cela changera du tout au tout au film suivant. Et ça n’a, au final, aucune importance, car les mécaniques de jeu vont surtout être là pour servir les envies des acteurs-joueurs. Les films d’action sont de toute manière au service des acteurs, et c’est ce que veut refléter UV3D en permettant aux joueurs d’accomplir avant le petit déjeuner des trucs qu’ils n’auraient jamais osé dans aucun autre jeu de rôle.

Peux-tu nous présenter succinctement le système de règles ?
Les règles, dans un JdR classique, servent à arbitrer les situations incertaines et à définir les facultés des rôles de manière statistique. Les caractéristiques du personnage vont représenter ses leviers d’influence sur la narration : par exemple, un personnage physiquement très fort va plus facilement modifier la narration en réussissant des tours de force.
Dans UV3D, c’est totalement différent. Comme chaque joueur se joue lui-même, pour éviter d’avoir à discuter de “kikéleplufor” autour de la table de jeu, il n’y a pas de mécaniques de jeu liées aux capacités physiques, sociales ou mentales de l’actrice ou de l’acteur dans UV3D !
Ce que l’on chiffre, ce sont les facultés d’influence narrative de chaque acteur-joueur sur le film. Cette influence narrative est mesurée via deux caractéristiques : le Cran, qui représente la quantité d’enjeux narratifs reposant sur l’acteur -et qui augmente au cours du film-, et le Script, qui représente la faculté de l’acteur à se reposer sur la suspension d’incrédulité consentie des spectateurs -et qui diminue au cours du film-.
Sur ces deux bases, la difficulté des actions est estimée par rapport à son degré de vraisemblance par rapport à l’univers du film. Pour battre cette difficulté –relativement- objective, plus les acteurs tentent des actions démentiellement spectaculaires, plus ils vont lancer de dés.
Qu’ils réussissent ou échouent, ce sont les acteurs qui racontent les conséquences de leurs actions, avec un principe de réalité narrative : ce qui a été établi dans le film, sauf exception, reste vrai. Une partie d’UV3D, c’est ainsi souvent à mi-chemin entre le jeu de rôle et le théâtre d’improvisation.
Il y a d’autres subtilités liées à l’influence des acteurs sur les modalités de confection du film. Tiens, en voici un exemple, quand l’acteur a de très bonnes relations avec les scénaristes du film :

Mais le plus simple pour vous convaincre de l’intérêt du jeu est encore de tester le kit d’initiation qui se trouve ici.
Et une fois le scénario du kit d’initiation terminé, il est également possible de jouer l’un des scénarios du livre de base.

Vas-tu en conventions pour proposer des parties de découverte ?
J’ai fait des parties de démonstration de l’ancêtre d’UV3D, Extreme Vengeance, dont l’auteur Tony Lee participe désormais à UV3D, sur des conventions diverses depuis 2000 à peu près. J’ai considérablement densifié le nombre de conventions auxquelles j’ai participé cette année. Et, si tout se passe bien, je ferai ma dernière partie de démo avant la fin de la campagne de financement à la bibliothèque parisienne Louise Michel, le 21 avril 2023 au soir. Sinon, il y a certainement des actual plays qui devraient arriver sur le net si ce n’est déjà le cas.
Peux-tu nous parler du financement participatif ?
Oui, bien entendu. Le financement participatif vise à offrir une existence physique au jeu en finançant son impression, en couvrant une partie de mes frais déjà avancés pour les illustrations et la promotion, et en laissant un peu d’argent de poche à Tony Lee et moi-même.
Au moment où je vous parle, on est à 110% du financement et le 3e palier est presque franchi, avec encore 5 jours, donc le jeu est financé et va être encore enrichi.
Point important : le jeu lui-même est écrit, maquetté à 100%, et illustré à 98%. Il ne reste plus qu’à trouver une illustration pour un scénario, mettre le nom des souscripteurs à la fin, et à préparer une table des matières. Le scénario du deuxième palier -mais je ne devrais pas le dire !- est déjà écrit, illustré, et maquetté presque intégralement, tandis que les fichiers pour le 3e palier sont prêts également.
Les souscripteurs ne prendront donc aucun risque à décrocher les 3 premiers paliers.
La vitesse du financement peut sembler lente, mais j’ai voulu délibérément proposer des contreparties raisonnables. Demander 36 € pour le livre de base, avec couverture cartonnée et intégralement en couleurs, et 6€ pour le pdf, ralentit mécaniquement la vitesse à laquelle le financement évolue.

Travailles-tu sur d’autres projets actuellement dont tu souhaiterais nous parler ?
Oui, je travaille déjà sur la suite d’Ultime Vengeance 3D : de nouveaux scénarios, et notamment une campagne sous la forme d’une saga de films d’heroic-fantasy, mais pas seulement. Je réfléchis aussi à la possibilité de décliner les principes d’UV3D à d’autres types de cinémas que le cinéma d’action.
Enfin, j’ai d’autres projets avec certains éditeurs qui n’ont rien à voir avec UV3D – mais il est encore trop tôt pour les annoncer.
Super ! Cela nous donnera de nouvelles opportunités de t’interviewer ! Merci à toi de nous avoir accordé un peu de ton précieux temps, et d’avoir partagé ta passion créatrice pour ce jeu de rôle, que nous espérons tester très prochainement !
Merci à vous d’avoir eu la patience de m’interviewer, et bravo à vos lecteurs qui ont eu le courage de me lire jusqu’au bout – vous gagnez tous 1 point de Cran jusqu’à la fin du film-.
Oui oh, c’est facile : tu es passionné et passionnant.
Pour finir, je me permets de mentionner quelques accessoires qui vont renforcer l’immersion. Pour une atmosphère urbaine, type ville américaine ou Hong Kong, rien de mieux qu’une nappe brique posée sur la table. On peut aussi la tendre en tapisserie derrière le MJ : c’est toujours du plus bel effet. Et pour qu’elle ait encore plus de relief, il suffit de l’éclairer avec un projecteur galaxie. Pour une ambiance plutôt classe, une lampe de bureau contemporaine permettra d’éclairer la table. Et pour les jets de dés, l’intérieur du couvercle d’une boite pour rôliste sera parfait !
Allez, on se retrouve bientôt ! D’ici là, bonnes parties à tous.
Christophe Pavillon.